Les agriculteurs allemands mobilisés contre les coupes budgétaires
1 700 tracteurs ont investi le centre de Berlin le lundi 18 décembre 2023, pour protester contre la suppression de deux niches fiscales dont bénéficient les exploitations agricoles : la ristourne fiscale sur le diesel agricole, et l’exemption historique d’impôt automobile pour les véhicules agricoles.
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Les agriculteurs allemands ont manifesté le 18 décembre 2023 à Berlin pour protester contre les arbitrages budgétaires du gouvernement fédéral. Devant les quelque 6 500 personnes et 1 700 tracteurs rassemblés dans le centre de Berlin, Joachim Rukwied, chef du principal syndicat agricole allemand, DBV, n’a pas mâché ses mots. Une « déclaration de guerre ». Objet de sa colère : la suppression de deux niches fiscales dont bénéficient les agriculteurs.
Les subventions aux énergies fossiles en question
« Le gouvernement fédéral n’est pas intéressé par un approvisionnement avec des produits alimentaires locaux, n’est pas intéressé par la sécurisation de l’avenir de nos exploitations, a harangué le patron du DBV. Sinon, on ne nous chargerait pas avec un milliard d’euros en plus. »
Contraint par la Cour constitutionnelle de se serrer la ceinture pour boucler le budget de 2024, le gouvernement d’Olaf Scholz a décidé de s’attaquer aux subventions aux énergies fossiles. Il compte récupérer 3 milliards d’euros, dont un tiers chez les agriculteurs notamment, pour suivre les conseils de la Cour fédérale des comptes.
Berlin vise la ristourne fiscale sur le diesel agricole, aujourd’hui de 21,48 centimes par litre, et l’exemption historique d’impôt automobile pour les véhicules agricoles.
Pour Volker Schmidt, à la tête de 100 vaches laitières dans le nord-ouest de l’Allemagne, la douloureuse « tournera autour de 3 500 euros pour le diesel », et il faudra ajouter la taxe pour les trois tracteurs de l’exploitation. « L’impôt automobile finance le développement des routes. Nos tracteurs ne sont peut-être que 5 % du temps sur le réseau c’est pour cela que nous en sommes exemptés », a expliqué Sven, un grand gaillard à la longue barbe poivre et sel installé près de l’île d’Usedom dans le nord-est du pays.
Une mise à contribution disproportionnée selon la profession
La profession s’estime mise à contribution de manière disproportionnée alors que les subventions aux énergies fossiles atteignent 65 milliards d’euros par an. L’ONG Greenpeace rétorque que les exploitants peuvent amortir le coup. Leurs revenus ont bondi de 45 % en 2023 pour atteindre 115 400 euros en moyenne. « Nous devons payer beaucoup d’impôts désormais », a pointé Volker Schmidt, qui reconnaît bénéficier d’un prix du lait de 50 centimes par litre, « mais il y a aussi ceux pour qui cela va moins bien, qui ont des dettes ».
« La proposition intervient alors que beaucoup ont déjà le dos au mur », a abondé Martin Schulz, du syndicat paysan AbL. Son organisation suggère en guise de compromis de plafonner à 10 000 litres par an la ristourne sur le diesel.
D’autres manifestations pourraient suivre
La mobilisation éclair des agriculteurs a déjà eu un effet. Une partie de la majorité remet en cause la suppression de ces deux niches fiscales. « Si ces deux mesures ne sont pas abandonnées purement et simplement, nous reviendrons à partir du 8 janvier », a menacé Joachim Rueckwied, promettant une mobilisation « comme le pays n’en a encore jamais vécu ».
Les agriculteurs allemands, déjà excédés par les nouvelles règles d’épandage et les ravages des loups, vont-ils abandonner leurs méthodes policées de protestation ? Pointant la saisie d’un tracteur pendant la manifestation le 18 décembre, Volker Schmidt n’est pas encore décidé. « Au final, on risque la perte de nos équipements si cela tourne mal. »
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